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CDDAT - Audition du président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN)
Mercredi 22 novembre, M. Bernard Doroszczuk, président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), était auditionné par la Commission du Développement durable et de l'Aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, sur le projet de réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire.
A cette occasion, j'ai tenu à intervenir pour rappeler que l'existence de l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) et de l'ASN a pour bilan l'absence d'accidents majeurs et que nous sommes aujourd'hui face à une question de conscience en ce qui concerne la fusion de l'IRSN et de l'ASN.
Il y a trois choses qui nous guident dans cette discussion :
1. l'accélération par rapport au mix énergétique dont nous avons l'ambition ;
2. l'économie ;
3. la sécurité.
La dernière est pour moi d'extrême importance. C’est pourquoi j’ai tenu à interroger M. Bernard Doroszczuk sur le sujet.
Projet de réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire : Explications
L'ASN assure, au nom de l'État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, pour protéger les personnes et l'environnement.
L'IRSN a été créé en 2002 suite à la fusion de l’IPSN et de l’OPRI dans une volonté de transparence, pour que les missions d’évaluation de sûreté des installations nucléaires soient menées par un expert indépendant de tout exploitant et séparé du pouvoir décisionnel détenu en 2002 par la DGSNR et depuis 2006 par l’ASN.
L’IRSN est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), placé sous la tutelle conjointe du ministre de la Transition écologique, du ministre des Armées, et des ministres chargés de la Transition énergétique, de la Recherche et de la Santé. L'institut associe chercheurs et experts pour anticiper les questions à venir sur l’évolution et la maîtrise des risques nucléaires et radiologiques. L'IRSN se place en quelque sort comme l'expert technique de l'ASN, l'autorité administrative.
Cette gouvernance duale (ASN/IRSN) dans le processus complexe de l’analyse de sureté nucléaire permet aux experts de l’IRSN de se concentrer pleinement sur l’analyse scientifique et technique des dossiers de sureté, sans le poids de la décision en fin de processus qui revient à l’ASN.
Aujourd'hui, le Gouvernement souhaite réformer cette gouvernance en fusionnant l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) avec l’Institut de Radioprotection et Sûreté Nucléaire (IRSN), à des fins de simplification de l'organisation et de fluidification de la filière nucléaire pour la relancer.
Ma position sur le sujet
J'ai personnellement assisté à une réunion sur le sujet, organisée à l'Assemblée nationale a l'initiative de plusieurs députés, qui a permis à de nombreux chercheurs, salariés, ingénieurs et techniciens de l'ASN et de l'IRSN de s'exprimer sur ce projet de fusion.
J'en retiens que toutes les interventions auxquelles j'ai assisté, et elles étaient multiples, traduisent une grande inquiétude et une véritable interrogation quant aux motifs de cette fusion. Les personnes présentes, ces femmes et ces hommes qui au sein de ces deux structures veillent à la sécurité nucléaire française, ont exprimé leurs doutes quant à la pertinence de ce changement qui supprime la dualité de gouvernance de la sureté nucléaire.
Ces personnes ont clairement laissé entendre que le véritable gain évident dans cette fusion est d'ordre économique alors même que les plus grands doutes demeurent quant aux nouvelles garanties qu'apporterait la fusion pour continuer à assurer la sécurité nucléaire.
Pour ma part, le moindre doute sur la sécurité doit nous interdire d'envisager un scénario aventureux de ce point de vue. Je rappelle simplement que depuis que la sureté nucléaire française est assurée par la dualité bien distincte ASN/IRSN, nous n'avons à déplorer aucun accident nucléaire majeur. Ceci constitue un bilan indiscutable qu'il convient absolument de prendre en compte pour aborder l'avenir.
En conséquence, je ne soutiens pas ce projet de fusion de l'ASN et de l'IRSN car dans toutes les situations, quelles soient technologiques, industrielles ou scientifiques, nous savons que les garanties maximales sont obtenues si les acteurs et les responsables de la sécurité sont multiples. Nous ne parlons pas là d'un potentiel accident industriel classique mais bien du risque industriel le plus grand car la technologique nucléaire est la technologique la plus dangereuse du monde : elle produit des effets irrémédiables dont les conséquences s'étalent sur des milliers voir des dizaines de milliers d'années. Cela fait donc appel à la plus haute conscience morale.