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Déplacement de la mission d'information biodiversité et agriculture 1/2

En tant que co-rapporteur - avec ma collègue députée de Haute-Vienne, Manon Meunier - de la « Mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles et l'évaluation des politiques publiques associées », nous travaillons aux côtés des administratrices de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire (CDDAT) de l’Assemblée nationale à la rédaction d’un rapport conclusif. 

Ce rapport, qui sera présenté à la CDDAT avant la fin de l'année, est le fruit de 6 mois de travail au cours desquels nous avons échangé avec de nombreux chercheurs, agriculteurs, associations, syndicats, ministères et institutions. Grâce à des déplacements dans le Maine et Loire, les Deux-Sèvres, l'Alsace et prochainement en Haute-Vienne, nous sommes également allés sur le terrain, rencontrer et écouter les agriculteurs et les éleveurs. Cela nous a permis de découvrir leurs méthodes de travail vertueuses et leurs opinions sur l'impact des politiques publiques actuelles. 

L'objectif est de trouver des solutions politiques pour accompagner le monde agricole dans cette transition générationnelle et climatique qui est inévitable pour la survie de notre système. Aujourd'hui, pour faire face au changement climatique, il est nécessaire de restaurer une agriculture qui allie la résilience de la nature et le rétablissement de l'équilibre rompu avec le vivant.

Jeudi et vendredi dernier, j’ai organisé dans ma circonscription le déplacement de la Mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles et l'évaluation des politiques publiques associées dont je suis le co-rapporteur avec ma collègue députée de Haute-Vienne, Manon Meunier. Ces deux jours de visites sur le terrain avaient pour objectif de montrer les actions et l’engagement précurseur de nos agricultrices et de nos agriculteurs pour la préservation de la biodiversité dans les parcelles cultivées. J'ai tenu à ce que le programme de la visite soit très diversifié entre visites de terrain et réunions de travail.

Retour sur le premier jour.

Les Vignes du Vingabond à Kayserberg

La première séquence de notre déplacement s’est ouverte sur une première visite de terrain dans les parcelles de Florian Spannagel du domaine les Vignes du Vingabond situé à Kaysersberg vignoble. 

Malgré un temps pluvieux, le jeune viticulteur qui a repris les parcelles de son grand-père, nous a emmené sur les hauteurs de Kaysersberg afin de nous montrer le travail qu’il effectue dans ses vignes. 

Florian Spannagel a entamé la reconversion de ses parcelles en agriculture biologique en 2017. Dans ses vignes, tout est fait à la main ou au cheval et aucun herbicide n’est utilisé. Les effets conjugués de cette conversion, de l’enherbement des parcelles cultivées et de leurs bordures, où encore de la plantation de 70 arbres autour des parcelles, ont permis au vigneron de constater une forte évolution de la biodiversité végétale et animale présente dans ses parcelles. Le nombre de coccinelles, de mantes religieuses, d’abeilles ou encore de lézards verts d’Alsace a fortement augmenté, tout comme la diversité des plantes et des fleurs qui ont pris racine sur un sol plus vivant. 

Florian Spannagel nous a également souligné l’intérêt qu’il tire de ces pratiques et de la présence d’une biodiversité dynamique dans ses parcelles pour sa production de raisin. En effet, les arbres plantés, en plus d’apporter davantage de biodiversité permettront également d’apporter de l’ombre dans quelques années ce qui permettra une meilleure résistance de ses vignes au changement climatique. Leur système racinaire diminue également l’érosion des sols en cas de fortes pluies. Quant aux plantes et fleurs sauvages qui poussent désormais dans ses parcelles, le vigneron les utilise pour faire des tisanes traitantes sur ses vignes. 

Cependant, si son modèle de reprise des vignes familiales et de conversion de sa production en agriculture biologique a pu porter ses fruits, c’est grâce au fait que Florian Spannagel a gardé durant le début de cette reconversion un travail en parallèle qui lui a permis de faire face aux aléas et à la baisse de production des premières années. C’est pourquoi ce dernier a souligné la nécessité d’améliorer l’accompagnement des reconversions en agriculture biologique pour diminuer les risques et aider à la reconversion des cultures ainsi que mieux valoriser les productions biologiques. 

Cette première séquence a permis de démontrer l’intérêt d’une agriculture extensive et de la diminution de l’utilisation de produits phytosanitaires pour développer la présence d’une faune et d’une flore diversifiées et dynamiques. Nous avons également pu voir les bénéfices multiples apportés par les projets d’agroforesterie au sein des parcelles cultivées, que ce soit pour la création de réservoirs de biodiversité, l’attrait d’oiseaux permettant de lutter contre les insectes s’attaquant à la vigne ou encore pour une meilleure adaptation au changement climatique des vignes et des sols. Elle a également permis de souligner la nécessité d’un accompagnement plus fort de ces pratiques afin de diminuer les risques économiques des premières années.

Domaine André Stentz à Wettolsheim

Après les Vignes du Vingabong, nous poursuivons nos visites du vignoble alsacien au Domaine André STENTZ à Wettolsheim. 

Nous retrouvons Monsieur STENTZ et son fils dans leur cave afin qu’ils nous présentent leurs pratiques viti et vinicoles et leur lien avec la biodiversité présente dans leurs parcelles. En effet, le domaine a lui aussi, comme les Vignes du Vingabond, été récompensé par le premier trophée VinBioDiv, qui a pour mission la préservation de la biodiversité dans les zones viticoles de piémont du Rhin Supérieur. 

André STENTZ a fait parti des pionniers de la culture biologique de la vigne dans le vignoble alsacien. Son recul et ses années d’expériences nous ont permis de nous replonger dans l’évolution des pratiques et des techniques de culture de la vigne au fil des ans. Il a également souligné les réalisations progressives du monde viticole dont il a été le témoin, de la découverte de l’intérêt d’utiliser de manière raisonnée les produits de traitement et d’effectuer un véritable travail du sol, que ce soit pour la santé de l’homme, pour celles des sols ou encore pour celle de la vigne. 

Le travail du sol est un aspect essentiel du travail des Stentz sur leur domaine. Il nous a rappelé que les sols sont des milieux complexes, vivants, et que la minéralité des vins dépend directement de la minéralité des sols et donc de leur qualité. Leur méthode repose donc sur la revitalisation des sols et l’utilisation des équilibres naturels, notamment à travers des travaux d’agroforesterie (plantation d’arbres et d’arbustes autour et dans les parcelles cultivées), enherbement des vignes et utilisation d’engrais naturel. Ces techniques ont permis de renforcer la résistance des vignes aux maladies, que ce soit en favorisant le développement des défenses naturelles des plans où en créant de véritables écosystèmes où les insectes utiles pour la vigne se développent en se nourrissant des insectes nuisibles.

En effet, leurs pratiques agricoles qui respectent le cycle naturel ont permis le développement d’une grande diversité d’insectes, d’arachnides, d’oiseaux et de fleurs dans leurs parcelles.

André Stentz a souligné que la rentabilité de la viticulture biologique (par rapport par exemple à la filière lait bio qui est, elle, en grande difficulté) a permis d’entraîner la reconversion de nombreux viticulteurs alsacien et sa transition réussie a permis de montrer qu’une autre voie était possible et souhaitable.

Cette deuxième séquence nous a permis de confirmer l’intérêt des projets d’agroforesterie, de l’enherbement ou encore de limiter l’utilisation de produits phytosanitaires dans les vignes. Ces pratiques permettent de créer une biodiversité riche et dynamique dans les parcelles cultivées, ce qui contribue à renforcer la résistance des plans, mais également la qualité des sols et par conséquence la qualité du vin produit.

Parc naturel régional des Ballons des Vosges à Munster

Après une matinée de visites de terrain sur le thème de la viticulture, nous rejoignons une délégation du Parc naturel régional des Ballons des Vosges à la Table des Malker à Munster pour un déjeuner de travail. 

Marie-Paule Gay, vice-Présidente, Olivier Claude et Julien Bourbier, respectivement directeur et directeur adjoint, ainsi que Claude Michel, responsable du pôle Patrimoine naturel et biodiversité, étaient présents afin de nous exposer le travail fait au quotidien par le parc en lien avec le monde agricole. 

Le parc mène de nombreux projets en lien avec l’agriculture sur le massif des Vosges, la protection et le développement de la biodiversité dans notre montagne. Ce repas de travail a permis de faire un tour d’horizon des différentes thématiques d’intervention du parc dans le domaine agricole, telle que la question de la gestion de la ressource en eau, à travers notamment l’expérimentation de création de milieux humides permettant de recréer des écosystèmes propices à la biodiversité tout en répondant au cas par cas aux différents usages de l’eau des agriculteurs. 

La question des améliorations pastorales - outils permettant de recréer des espaces agricoles dans notre massif - a également été abordée. Le parc a souligné plusieurs pistes d’amélioration afin de développer ces pratiques ainsi que la nécessaire évolution de cet outil qui devrait pouvoir mieux prendre en compte la présence d’un couvert arboré qui sera une solution d’avenir pour maintenir de l’eau et de l’ombre en montagne. Il est en effet nécessaire de remettre l’arbre – supprimé pour des questions productivistes - dans le système agricole. 

Outre les missions d’expérimentation et d’accompagnement des agriculteurs dans leurs prises de risques, nous avons également évoqué la mission d’animation du territoire et de communication portée par le Parc. Ces missions essentielles souffrent cependant d’un manque de moyens humains, la communication grand public étant pourtant la clé pour une évolution des comportements individuels et collectifs.

Je tenais à remercier vivement les participants à ce repas de travail pour leur présence et leur retour d’expérience. Le parc est un outil particulièrement pertinent pour mettre en œuvre des projets de territoire conciliant intérêt économique - agricole – et préservation du patrimoine paysager et environnemental. En ce sens, il est nécessaire que les politiques publiques leur laissent la souplesse et les moyens nécessaires pour expérimenter, accompagner, animer ou encore expliquer aux habitants du territoire l’importance de leurs missions dans le cadre d’une nécessaire transition de nos pratiques.

Ferme Kempf à Soultzeren

Nous entamons la deuxième partie de cette journée de déplacement par une nouvelle séquence de terrain. Cette fois-ci nous prenons de la hauteur et nous nous rendons sur l’exploitation de Roseline Kempf située sur les hauteurs de Soultzeren. 

Roseline Kempf élève des vaches ainsi que des cabris et quelques chèvres et gère, pendant la saison, la Marcairie du Frankenthal. Je tenais particulièrement à me rendre sur son exploitation avec la mission d’information afin de souligner le travail effectué par Roseline dans l’entretien des paysages typiques de notre massif. 

En effet, on peut reconnaître ses terres à la présence de magnifiques pierriers et murets en pierres sèches, véritables patrimoines architecturaux propres aux milieux ouverts de moyenne montagne. 

Ces murets sont surtout de véritables écosystèmes qui attirent une faune riche allant des lézards aux petits insectes et arachnides, ainsi qu’une flore spécifique des rocailles. Leur entretien difficile, qui se fait à la main, représente une charge de travail conséquente qui n’est pourtant pas valorisée à ce jour. Cet entretien paysager aux bénéfices écologiques certains est donc fait bénévolement par Roseline et son père depuis des années. 

Notre visite à permis d’évoquer cette problématique et la question d’une rémunération des services paysagers rendus par nos agriculteurs. Il a également été question de l’importance du dialogue et de la souplesse nécessaire que doivent montrer les différents acteurs lorsque l’on est agriculteur au sein d’un parc naturel, sur un terrain communal et dans une zone Natura 2000. 

Je tenais à remercier Roseline et son équipe pour leur chaleureux accueil, ainsi que le Maire de Soultzeren, Philippe Breschbuhl, pour sa présence lors de cette séquence et ses interventions.

EARL du Rothenbach à Mittlach

Notre dernière visite de terrain de la journée est celle de l’exploitation de Florent Campello, l’EARL du Rothenbach située à Mittlach. 

Nous rejoignons Florent, sa femme Anne-Marie, et son salarié Basile Gottar, directement dans l’étable où nous retrouvons leur élevage de magnifiques vaches vosgiennes, mais également des cochons, des brebis et des lapins. 

L’exploitation valorise les produits de l’élevage à travers la vente directe à la ferme de produits laitiers, fromages ou encore de viande, et se diversifient également dans le maraîchage. 

Ce qui nous a particulièrement intéressés dans l’exploitation de Florent Campello, c’est le travail entrepris autour de leur autonomie fourragère. Grand enjeu de l’agriculture de montagne, et encore davantage avec les conséquences du changement climatique, l’autonomie fourragère pose notamment la question des techniques de fauche, de durabilité et encore de gestion des ressources naturelles.

L’EARL du Rothenbach a investi dans un système performant de séchage en grange du foin qui permet de conserver la grande diversité florale. Cette présence d’une flore riche variée dans leur fourrage a permis d’améliorer la qualité de la nourriture et donc la qualité finale de leurs produits qu’ils arrivent plus facilement à valoriser. Cette alimentation de qualité influence de plus la santé des animaux et donc leur longévité, réduisant par là même l’impact sur l’environnement. 

A travers cet exemple, nous pouvons voir le cercle vertueux d’une agriculture en lien avec la biodiversité et son environnement.

Je tenais également à remercier Marie-Agnès Spenlé, première Adjointe de Mittlach pour sa présence et sa participation à cette séquence.

Table-ronde avec les organisations syndicales agricoles

Nous avons terminé cette première journée de déplacement pour un moment d’échange à la ferme-auberge Buchwald avec les représentants professionnels et les organisations syndicales agricoles sur l’agriculture de montagne et les liens qu’elle entretient avec la biodiversité.

Chambre d’Agriculture, FDSEA, Jeunes Agriculteurs, Confédération paysanne, Coordination rurale, l’Organisation professionnelle de l’agriculture biologique en Alsace (OPABA), le Collectif des races locales des massifs (CORAM),... J’ai tenu à réunir autour de la même table les représentants locaux afin de pouvoir avoir une vue d’ensemble des différentes techniques et points de vue sur ce sujet multiple qu’est la préservation et le développement de la biodiversité sur les parcelles cultivées et pâturées en montagne.

Les échanges ont été particulièrement intéressants et ont soulevé différentes problématiques.

Ce qui a été édifiant pour notre travail au sein de la mission d’information, a été de nous rendre compte au fil des échanges qu’être éleveur de montagne, c’est finalement travailler de façon innée avec la nature, de participer à l’entretien et au développement de la biodiversité et des paysages.

L’ensemble des éleveurs présents sur la partie haut-rhinoise du massif vosgien nourrissent leurs bêtes avec de l’herbe, contrairement à d’autres massifs qui peuvent recourir à des céréales. Les prairies semi-naturelles du massif des Vosges abritent d’ailleurs une extraordinaire biodiversité, accueillant 700 espèces végétales, 50 d’entre elles figurant sur des listes d’espèces végétales protégées. Cette diversité importante est permise par des conditions écologiques particulières, ainsi que par le travail des éleveurs.

Les agriculteurs de montagne ont hérité d’une biodiversité riche et présente, grâce à l’ouverture des milieux qui a été réalisée par leurs ancêtres avant eux. A travers leurs pratiques et méthodes de travail, ils contribuent naturellement à garder ouverts ces milieux – à les rouvrir parfois – permettant de créer des écosystèmes favorables à une certaine faune et flore.

Ils sont cependant nombreux à souligner la complexité de concilier leur travail avec les activités touristiques dont l’importance et l’emprise paraît augmenter année après année. Pour eux, c’est alors un avantage que de faire partie du périmètre d’un parc naturel régional qui permet de les protéger des autres acteurs touristiques et économiques qui pourraient s’accaparer des terres agricoles ou compliquer leur travail.

En terme de politiques publiques, nous avons également évoqué l’absence de reconnaissance qui est démontrée pour le travail réalisé au quotidien par les agriculteurs de montagne pour le maintien de la biodiversité présente et l’entretien des paysages qui font la renommée de nos massifs. Le deuxième point a concerné les aides de la PAC qui ne sont pas adaptées aux éleveurs de montagne mais davantage basées sur la filière agroalimentaire. Enfin, alors que l’on perd l’équivalent d’un département en surface agricole tous les 10 ans, il y a un vrai besoin de mettre en place une réelle protection des terrains agricoles, notamment de montagne.

Un grand merci à l’ensemble des participants pour ces échanges riches et dynamiques ainsi que la ferme-auberge Buchwald pour leur chaleureux accueil, et particulièrement Jean Wehrey.