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Déplacement de la mission d'information biodiversité et agriculture 2/2

Nous entamons le 3 novembre la deuxième et dernière journée du déplacement de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles et les politiques publiques associées dont je suis co-rapporteur avec ma collègue, députée de la Haute-Vienne, Manon Meunier.

Domaine Schlumberger à Guebwiller

Pour la première visite de terrain de cette journée, nous nous rendons au Domaine Schlumberger à Guebwiller.

Nous sommes accueillis par Séverine Schlumberger, 7ème génération de propriétaires du domaine avec son frère Thomas, qui nous fait une présentation du Domaine en remontant aux premières vignes achetées par son ancêtre après avoir fait fortune dans le textile. 

Aujourd’hui, situé sur les coteaux vertigineux de Guebwiller avec des pentes à 50° et une altitude allant de 250 à 390 mètres, le vignoble Schlumberger est l’un des plus impressionnants visuellement en Alsace. Il s’agit aussi du plus grand domaine viticoles privé d’Alsace avec plus de 120 hectares d’un seul tenant.

Or, ces caractéristiques paysagères appellent à des pratiques viticoles spécifiques qui contribuent fortement à la biodiversité présente dans leurs parcelles.

En effet, la propriétaire nous rappelle que le domaine a été le premier à faire de la mécanisation – à l’époque encore faite par les chevaux – et qu’ils utilisent toujours des chevaux aujourd’hui qui leur permettent d’effectuer un travail plus qualitatif et plus adapté aux pentes extrêmes.

Aujourd’hui, le taux de mécanisation du domaine est très faible, cela est notamment dû à la forte déclinité et aux vignes à flanc de montagne qui obligent à travailler à la main dans la plupart des cas.

Ce qui nous a particulièrement intéressé pour notre mission d’information, c’est la présence de très nombreux et impressionnants murs en pierres sèches dans l’ensemble du vignoble Schlumberger. Le domaine emploie d’ailleurs deux maçons-muraillers à temps plein juste pour leur entretien.

Ces murs, véritables patrimoines paysagers, permettent non seulement d’éviter l’érosion du sol lors des pluies, mais ils participent également à la bonne santé du sol et à la biodiversité environnante. En effet, ces murs en pierres sèches permettent à l’eau et aux minéraux de les traverser pour rejoindre les vignes plus bas. Ils sont également de véritables réservoirs de biodiversité : insectes, arachnides, reptiles et autres petits arthropodes pouvant se cacher dans les anfractuosités ménagées par l’ouvrage.

Le domaine Schlumberger est un exemple parfait de l’intérêt élevé de l’existence et de l’entretien de ces infrastructures agricoles paysagères pour la biodiversité présente dans les parcelles viticoles. Une alliance homme-nature qui d’ailleurs s’avère efficace pour éloigner les risques liés aux ravageurs, mieux régulés ainsi par la richesse vivante retrouvée. 

On voit par cet exemple que le vignoble a naturellement un grand potentiel d’accueil de la vie végétale et animale spontanée dans l’espace cultivé. En accordant à cette dimension son importance, on contribue aussi à l’attractivité de ce paysage et des productions de qualité qu’il porte.

Le projet d'agroforesterie des viticulteurs d'Orschwihr

Pour la dernière sortie terrain du déplacement, nous nous rendons à la chapelle du Bollenberg retrouver les représentants des viticulteurs d’Orschwihr : Élise Garnier du domaine Haegelin Materne et Filles, Christian Haegelin du domaine Bernard Haegelin ainsi que Frédéric Schmitt, du domaine François Schmitt et Président du syndicat viticole d’Orschwihr.

Sur les 21 viticulteurs d’Orschwihr, 17 sont en bio et 4 en bio dynamie, tous ont au moins une parcelle de vignes sur le site Natura 2000 des collines sèches sous-vosgiennes.

Les viticulteurs d’Orschwihr ont donc une approche particulièrement active et volontariste de la protection de la biodiversité dans les vignes. Ils se sont d’ailleurs engagés collectivement dans un programme concret d’agroforesterie avec déjà 1 200 pieds d’arbres plantés.

Dans leurs vignes, les oiseaux sont le principal insecticide mais pour cela, il est nécessaire qu’ils puissent trouver à se nicher au plus près des parcelles, d’où l’intérêt de planter des arbres. Avoir un couvert forestier permet également d’apporter de l’ombre et de la fraîcheur aux vignes ainsi que de la rétention d’humidité et d’améliorer la résistance au réchauffement climatique des pieds.

Les viticulteurs ont également souligné l’importance de créer une dynamique pour la préservation d’un site naturel comme celui des collines sèches sans pour autant le mettre sous cloche afin d’associer le grand public à cette préservation et faire connaître et comprendre le site que l’on chercher à protéger.

La communication envers le grand public est en effet particulièrement importante lorsque l’on travaille dans un espace naturel, que ce soit concernant les pratiques comme les différents labels (bio, biodynamie, Haute Valeur Environnementale...). Cette compréhension des consommateurs des niveaux de labellisation mais aussi de certifications est d’ailleurs particulièrement importante pour les viticulteurs qui admettent avoir parfois du mal à valoriser à leur juste valeur leurs produits de très grande qualité et authentiquement issus d’une agriculture biologique.

Un grand bravo aux viticulteurs d’Orschwihr pour leur esprit pionnier et leur travail dans l’entretien et la préservation de cet espace naturel et merci à Frédéric Grivel, conseiller municipal d’Orschwihr, pour sa présence lors de cette visite. 

La commune d’Orschwihr, ses élus et ses viticulteurs, ont su depuis 20 ans initier une dynamique collective en concertation étroite avec les associations de protection de l’environnement. Ils sont à l’origine d’une originalité locale, une prise en charge entièrement intercommunale d’une gestion conservatoire du site Natura 2000 à travers l’association Orchidée autour de laquelle aura justement lieu notre prochaine séquence de travail.

Repas de travail autour de l'association Orchidée

A midi, nous rejoignons les représentants de l’Association Orchidée pour un repas de travail à la Brasserie au Petit Paris à Soultzmatt : Alain Grappe, Président de l’association, Raymond Heck, Adjoint au Maire et Marjorie Staneck, conseillère municipale de Soultzmatt, Mikael Burgenath, Adjoint au Maire de Westhalten, Frédéric Grivel, conseiller municipal d’Orschwihr, Pierre Isner Président du syndicat viticole de Westhalten et Elise Garnier pour le syndicat viticole d’Orschwihr.  

L’objectif de ce repas de travail était de mettre en avant les actions et les dynamiques mises en place par l’association intercommunale Orchidée pour la gestion partagée du territoire Natura 2000 des collines sèches sous-vosgiennes, situé au coeur du vignoble.

L'association Orchidée, née de la volonté de quatre communes, Osenbach, Orschwihr, Soultzmatt et Westhalten, est une originalité à l'échelle des vignobles de France.  Elle a la charge de la gestion conservatoire des milieux naturels précieux que comptent les quatre collines des bans communaux d'Orschwihr, Osenbach, Soultzmatt et Westhalten : le Strangenberg, le Zinnkoepflé, le Lutzelberg et le Bollenberg. Son champ d'action étant par définition intercommunal, l'association regroupe les quatre communes concernées ainsi qu'un représentant de leurs syndicats viticoles respectifs.

La démarche globale de gestion de ces espaces doit contribuer à valoriser les espaces naturels et à leur conférer un rôle dans l’attractivité des territoires communaux et dans l’image des produits viticoles. Celle-ci s’inscrit dans les principes de développement durable définis dans la directive européenne dite « habitats » du 21 mai 1992.

Les objectifs de l’association sont donc multiples : maintenir dans un état de conservation favorable les milieux naturels des collines calcaires ; définir et engager des actions de gestion correspondante; organiser la fréquentation humaine dans le cadre d’une mise en valeur biologique, paysagère et touristique des sites ; organiser des actions pédagogiques dans le respect du patrimoine naturel ; veiller au respect des droits et acquis des propriétaires fonciers.

La force d'Orchidée aujourd'hui est d'avoir su réunir deux combats en un seul : celui de la préservation du patrimoine viticole et celui de la préservation du patrimoine vivant naturel. C’est donc tout naturellement que je souhaitais explorer cette dynamique dans le cadre de cette mission d’information.

Cette réussite est aujourd'hui pleine d’actualité. L'avenir, nous le savons, doit désormais s'inscrire dans les principes du développement durable, de la résilience climatique et de la transition écologique. L'association Orchidée et son bilan montrent clairement qu'au coeur du vignoble alsacien, les communes ont conscientisé que l'entretien respectueux et traditionnel du paysage viticole, non seulement contribue de façon essentielle à l'attractivité du territoire, mais est en plus une garantie forte pour le respect de la biodiversité qui caractérise ces espaces cultivés ainsi que les milieux qui les accompagnent dans une mosaïque paysagère unique en France.  

Cette démarche peut servir d'exemple pour mieux fédérer à l'avenir tous les acteurs de territoire, quels qu'ils soient, qui ont à coeur d'élaborer ensemble des projets valorisants pour le patrimoine paysager et notamment viticole, ainsi que pour la biodiversité. Ce bilan de 20 ans démontre qu’il existe une écologie qui rassemble. 

Un grand merci à l’ensemble des participants pour leur présence ainsi qu’à l’équipe du Petit Paris pour leur chaleureux accueil.

Table ronde avec les organisations syndicales viticoles autour de la question de la biodiversité dans les parcelles viticoles

Pour la dernière séquence de ce déplacement en Alsace, nous avons organisé une table-ronde avec les représentants des organisations syndicales viticoles afin d’échanger sur les projets et les actions mises en place par la viticulture alsacienne pour une biodiversité dans les parcelles viticoles.

Etaient présents Gilles Ehrhart, Président de l’Association des Vins d’Alsace (AVA), Alain Renou, Directeur du Syndicat des Vignerons Indépendants d’Alsace (SYNVIRA), Olivier Bemrich, représentant la Fédération des coopératives vinicoles d’Alsace et viticulteur à Orschwiller, Martine Becker, responsable de la commission viti bio Alsace et viticultrice à Zellenberg et Frédéric Schermeser, Président de l’Association Viti Repères de Westhalten.

Les échanges ont été particulièrement enrichissants et ont permis de faire un tour d’horizon des pratiques mises en place par nos viticulteurs et vignerons dans le cadre de la protection et du développement de la biodiversité dans le vignoble alsacien. A l’image de l’association Viti Repères, ce sont désormais les viticulteurs qui étudient la possibilité d’introduire dans leurs parcelles cultivées une grande diversié florale qui soit la plus adaptée aux conditions particulières de chacune des parcelles. Inutile de préciser que cette approche est très efficace pour augmenter la biodiversité en milieu cultivé.

Les participants ont unanimement souligné le fait qu’en Alsace, nous avons des pratiques vertueuses, les mouvements bio et biodynamie s’étant rapidement développés jusqu’à représenter plus d’un tiers des 15 500 hectares du vignoble alsacien (en bio ou en conversion). Les viticulteurs savent mieux que quiconque que leurs terres sont leur patrimoine, leur potentiel de production, et qu’ils se doivent de les soigner. Cela se traduit en Alsace par une grande tendance à la conversion du vignoble.

De plus, le vignoble alsacien est composé d’entreprises familiales et de beaucoup de petites structures, ce qui permet un travail de la vigne plus extensif et facilite un plus grand respect des sols et de la biodiversité environnante.

En terme de pratiques, les viticulteurs utilisent depuis maintenant de nombreuses années la confusion sexuelle afin de réduire leur utilisation d’insecticides. Celle-ci consiste à placer dans les vignes des diffuseurs de phéromones de synthèse destinées à perturber l’activité sexuelle des insectes. Pour lutter contre les insectes ravageurs de la vigne, certains viticulteurs installent également des nichoirs dans les vignes pour attirer et accueillir des oiseaux prédateurs.

Ils ont également de nombreux projet d’agroforesterie qui consistent à planter des arbres et des haies pour créer des couverts végétaux et des réservoirs de biodiversité aux abords ou à l’intérieur des parcelles cultivées.

Enfin, comme nous avons pu le voir lors de la visite du domaine Schlumberger le matin, l’entretien et la création de murrets en pierre sèche fait également partie des bonnes pratiques mises en place par les viticulteurs alsaciens pour une biodiversité dans les vignes.

Nos échanges ont également permis de souligner certains points sur lesquels il est nécessaire de travailler et notamment l’accompagnement des labellisations ainsi que leur clarification auprès des consommateurs pour en assurer compréhension et lisibilité (quelles différences entre le Bio et le Haute Valeur Environnementale par exemple).

En terme de politiques publiques, certains représentants ont souligné le fait qu’il y a davantage d’incitations à la conversion en agriculture biologique qu’il y en a à rester en bio. Ces derniers attendent un soutien plus important du Gouvernement dans la prise de risques et la perte de production mais également dans l’achat de matériel et l’accompagnement de leur utilisation.

Je tenais à remercier une nouvelle fois les représentants des différentes organisations viticoles alsaciennes d’avoir participé à ce temps d’échange qui clôture le déplacement en Alsace de la mission d’information. Cela nous a permis d’avoir un inventaire des différentes pratiques et techniques mises en place par les viticulteurs alsaciens pour la biodiversité dans les vignes mais également des freins et pistes d’améliorations des politiques publiques associées.

Conclusion du déplacement

Ce déplacement en Alsace nous a permis d’enrichir et d'ancrer le travail de la mission d’information à travers des échanges terrain. Ces échanges nous ont surtout confirmé que dans le milieu agricole et viticole alsacien, la prise de conscience de l’importance de la dimension environnementale est bien réelle et a déjà cheminée. 

L’ensemble de la population alsacienne bénéficie déjà des efforts de nos agriculteurs sur le plan qualitatif, mais aussi sur le plan de la préservation des paysages et de leur diversité caractéristique qui entoure le milieu cultivé ou celui issu des élevages vertueux.

Le déplacement de la mission d’information en Alsace a eu un excellent accueil auprès de nos interlocuteurs qui y ont vu une marque d’estime pour la profession agricole et viticole. Cela nous a été confirmé par la qualité de leur témoignage et de leur contribution. Un grand merci à nos agriculteurs et viticulteurs et à leurs représentants pour la qualité de leurs interventions, leur sens du dialogue et leur soucis de bien faire !